Bretonne sans frontière
"On ne naît pas Breton. On le devient, à l’écoute du vent, du chant des branches, du chant des hommes et de la mer." Xavier Grall - poète breton
Si aujourd'hui, j'habite en sud Bretagne, moi-même je ne suis pas née bretonne.
De père briochin, de mère mi-bretonne mi-irlandaise née à Paris, j'ai vu le jour au pays de la rillette.
Pourtant je ne me sens pas moins bretonne que le breton pur chouch' comme on dit ici.
Pourquoi cela ? Car tous mes plus beaux souvenirs sont rattachés à la Bretagne.
Petite, les grandes vacances avec mon frère, les cousins et cousines, au camping de Tournemine à Plérin dans la caravane de papi et mamie ; l'arrêt à la boulangerie, où on achetait carambars et mistrals gagnants,
Plus grande, la fin du marché de Saint-Brieuc avec mamie qui se terminait inexorablement par une galette saucisse (aujourd'hui encore, les odeurs de galette saucisse sont pour moi comme la madeleine l'était pour Proust),
Le retour « au pays » tant attendu par mes parents et comme une bouffée d'air iodé pour l'adolescente alors encore introvertie que j'étais,
La rencontre avec celui qui allait devenir mon mari et qui 17 années plus tard l'est toujours,
Et le plus beau cadeau qu'il m'ait fait, un petit d'homme qui, si lui non plus n'est pas né sur le sol breton, y aurait peut-être bien été fabriqué, selon de grands calculs savants ! Ma p'tite tête de granit à moi, comme quoi y'a pas besoin d'être né breton pour en avoir le tempérament !
Alors, née dans le 72, et ayant vécu dans le 22, 56, 44, 37 et maintenant 35, à quel niveau d'appartenance à la Bretagne puis-je me situer ?
Et d'ailleurs, c'est quoi l'appartenance à la Bretagne ?...
On ne choisit pas ou l'on naît, au bord de la mer ou dans une cité du 93, on ne choisit pas ses racines, mais on peut choisir où on laisse son cœur...
Moi mon cœur est et restera en Bretagne.
Parce qu'à chaque fois que je vois le panneau Degemer mat en Aodou an Arvor, c'est comme si je rentrais à la maison,
Parce qu'à chaque fois que je pose les pieds sur l'allée en maërl de la petite impasse, à Loguivy-de-la-mer et que je tourne les yeux vers la baie de Ploubaz, je me sens apaisée devant l'étendue d'eau, comme l'impression que le temps s'arrête, comme l'impression de respirer enfin, le visage piqué au vif par les embruns,
Parce qu'à chaque fois que j'entends le cri des mouettes, douce mélodie... je me dis que la mer est tout à côté, je n'ai pas besoin d'aller la voir, je sais qu'elle est là, et ça me suffit,
Parce que lorsque je me promène sur le port de Paimpol ou de Binic et que j'entends le bruit du vent dans les haubans, je trouve que c'est vraiment une chance d'être ici et pas ailleurs,
Parce qu'au moindre son plaintif d'un biniou ou d'une bombarde, tous mes sens se mettent à vibrer à l'unisson,
Parce que quand le ciel s'obscurcit et que la tempête se lève, alors que la mer déchaînée est belle !
Et quand je regarde grandir mon fils, je ne doute pas qu'il sera «digne » comme le beau prénom qu'il porte.
Alors, bretonne à 20, 50 ou 100%, Bretagne à 4 ou à 5 départements ; les nombres m'importent peu.
Je laisse les équations aux « équationnistes ».
Je suis devenue bretonne, mais sans frontière, à l’écoute du vent, du chant des branches, du chant des hommes et de la mer.
Mam Nezig - Redon, 2014